L’intégration du télétravail au sein des organisations requiert une analyse approfondie et une stratégie adaptée, tenant compte des avantages potentiels et des défis inhérents à cette modalité de travail. Les avantages, tels que la réduction des coûts opérationnels et la diminution de la congestion routière, doivent être équilibrés avec les impacts variés sur la productivité et le bien-être des employés, qui peuvent fluctuer en fonction des conditions d’application et des circonstances personnelles de chaque travailleur. Ainsi, l’élaboration d’une stratégie d’implémentation du télétravail nécessite une compréhension fine des dynamiques sociologiques et cognitives propres à l’organisation concernée.
Des études à grande échelle
Il existe plusieurs facteurs à prendre en compte pour déterminer si une organisation est prête pour le télétravail. Selon Bloom et al. (2015), il est essentiel d’établir des protocoles de communication clairs pour le travail à distance. Les dirigeants doivent veiller à ce que les employés disposent de l’infrastructure technologique nécessaire pour accomplir leurs tâches depuis un lieu alternatif. Des outils de collaboration efficaces, tels que la visioconférence et les plateformes de partage de documents, permettent aux équipes réparties de travailler de manière fluide (Bloom et al., 2015). Dans une étude impliquant 16 000 employés, ceux qui se sont portés volontaires pour le télétravail ont été aléatoirement assignés soit au travail à domicile, soit au bureau pendant neuf mois. Le télétravail a conduit à une augmentation de la performance de 13 %, dont 9 % étaient expliqués par une réduction des pauses et des jours de maladie, et 4 % par un environnement de travail plus calme et plus pratique. Les travailleurs à domicile ont également rapporté une amélioration de leur satisfaction professionnelle, et leur taux de démission a été réduit de moitié. Les chercheurs ont aussi noté une diminution du taux de promotion conditionnée à la performance.
La confiance et la responsabilité
a confiance et la responsabilité constituent des éléments essentiels pour le succès des politiques de télétravail. Les dirigeants doivent mettre en place des procédures permettant de suivre les performances de manière objective plutôt que de compter uniquement sur la supervision directe. L’établissement d’une confiance réciproque entre les managers et les employés en télétravail revêt une importance capitale, comme l’a souligné DuBrin (1991). Les contrôles réguliers et les rapports d’activité contribuent à maintenir une communication claire sur les tâches accomplie. Néanmoins, il est crucial que les dirigeants évitent la microgestion et respectent les périodes de repos des employés, comme le recommandent Wilton et al. (2019). La culture organisationnelle joue aussi un rôle déterminant dans l’adoption du télétravail. Ce mode de travail s’épanouit dans des environnements valorisant les résultats, l’innovation et l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, plutôt que la présence physique au bureau, selon Gajendran & Harrison (2007). À travers l’élaboration d’un cadre théorique et l’analyse de 46 études portant sur 12 883 employés en situation réelle, les chercheurs ont démontré que le télétravail présente des avantages modestes mais significativement positifs sur des indicateurs immédiats tels que l’autonomie perçue et la réduction des conflits travail-famille. Il est crucial de noter que le télétravail n’a pas d’impact négatif global sur la qualité des relations professionnelles. De plus, il favorise des améliorations notables sur des aspects plus globaux, tels que la satisfaction au travail, la performance, la volonté de rester dans l’entreprise et la réduction du stress lié au rôle. Ces effets positifs semblent en partie liés à une plus grande autonomie ressentie. Cependant, il est important de remarquer que le télétravail intensif (plus de 2,5 jours par semaine) peut renforcer ses aspects positifs sur la conciliation travail-famille tout en détériorant les relations entre collègues.
Par où commencer ?
Avant de déployer le télétravail à grande échelle, il est conseillé aux managers d’initier des programmes pilotes avec une sélection d’employés spécifiques. Ceci permet d’évaluer la fonctionnalité de la technologie, l’impact sur la productivité et l’engagement des dirigeants. Les postes de support peuvent ne pas être adaptés au travail à distance à plein temps en raison des exigences spécifiques des tâches (Bloom et al., 2015). Une sélection minutieuse garantit que les politiques de télétravail réalisent les avantages escomptés, tels qu’une plus grande flexibilité et une meilleure rétention, sans compromettre la collaboration ou le flux de travail (Gajendran & Harrison, 2007). Le support technique est également essentiel. Les emplois à distance rencontrent souvent davantage de problèmes informatiques que ceux en présentiel. Les organisations doivent offrir une assistance à distance efficace pour la configuration des équipements à domicile et la résolution des problèmes intermittents (Morganson et al., 2010). Le support technique est crucial pour renforcer la confiance des employés et des managers, assurant ainsi que la productivité ne soit pas affectée par des soucis technologiques. Un autre aspect à considérer est la compatibilité des postes avec le travail à distance. Le télétravail est particulièrement bénéfique pour les emplois nécessitant une concentration individuelle, tels que l’écriture, la programmation ou la conception, qui ne dépendent pas fortement du travail d’équipe (Gajendran & Harrison, 2007). Les postes traitant de matériaux sensibles ou nécessitant des services en face à face avec les clients ne sont généralement pas bien adaptés à la transition. Les programmes pilotes permettent d’identifier les emplois qui se prêtent bien au travail à distance (Morganson et al., 2010).
L’intégration du télétravail au sein des organisations requiert une analyse approfondie et une stratégie adaptée, tenant compte des avantages potentiels et des défis inhérents à cette modalité de travail. Les avantages, tels que la réduction des coûts opérationnels et la diminution de la congestion routière, doivent être équilibrés avec les impacts variés sur la productivité et le bien-être des employés, qui peuvent fluctuer en fonction des conditions d’application et des circonstances personnelles de chaque travailleur. Ainsi, l’élaboration d’une stratégie d’implémentation du télétravail nécessite une compréhension fine des dynamiques sociologiques et cognitives propres à l’organisation concernée.
Références
Bloom, N., Liang, J., Roberts, J., & Ying, Z. J. (2015). Does working from home work? Evidence from a Chinese experiment. The Quarterly Journal of Economics, 130(1), 165-218. https://doi.org/10.1093/qje/qju032
DuBrin, A. J. (1991). Comparison of the job satisfaction and productivity of telecommuters versus in-house employees: A research note on work in progress. Psychological Reports, 68(6), 1223–1234. https://doi.org/10.2466/pr0.1991.68.6.1223
Gajendran, R. S., & Harrison, D. A. (2007). The good, the bad, and the unknown about telecommuting: Meta-analysis of psychological mediators and individual consequences. Journal of Applied Psychology, 92(6), 1524–1541. https://doi.org/10.1037/0021-9010.92.6.1524
Morganson, V. J., Major, D. A., Oborn, K. L., Verive, J. M., & Heelan, M. P. (2010). Comparing telework locations and traditional work arrangements: Differences in work-life balance support, job satisfaction, and inclusion. Journal of Managerial Psychology, 25(6), 578–595. https://doi.org/10.1108/02683941011056941 Wilton, R. D., Paez, A., & Scott, D. M. (2019). Comparing social isolation and local unemployment rates as contextual determinants of telework in Canada. Regional Science Policy & Practice, 13(1), 73–87. https://doi.org/10.1111/rsp3.12200